lundi 26 novembre 2012

Beyond Good and Evil : Chronique d’un chef-d’œuvre

Il y a des jeux qui vous marquent dans une vie. Beaucoup avec de la chance. Mais certains sont encore au-dessus. Plus qu’un simple marquage dans l’esprit, ils gravent un souvenir ineffaçable, une expérience rarement connue auparavant, et qui restera unique. Parfois du fait de l’émotion qu’ils procurent, pour leur ambiance, leur expérience de jeu, leur aspect cinématographique… Ou pour tout ça réuni. C’est le cas pour Beyond Good and Evil, qui restera à jamais une de mes plus grandes expériences vidéoludiques. Pour l’occasion, j’ai refait l’intégralité du jeu. Bouleversé à nouveau, totalement ému, et complètement charmé, à la fin des crédits du jeu, je n’avais plus qu’une ambition, vous faire partager ces sensations, et vous donner envie de les vivre grâce à ce jeu, si cela n’a pas déjà été fait.

Beyond Good and Evil est un jeu créé et réalisé par Michel Ancel. Sorti de son imaginaire, il invente un monde totalement onirique, peuplé d’être aussi divers qu’étranges et intrigants. Avec son univers unique, aux inspirations du maître Hayao Miyazaki, une ambiance enchanteresse se dégage, autant qu’une mystérieuse sensation. Et si ce monde permet de nous évader, ce n’est pas uniquement sa facilité à nous faire rêver qui est mise en avant et qui nous envoûte sans cesse. C’est aussi le scénario du jeu, au tout début intriguant, puis qui semble assez classique, et qui très rapidement nous submerge de diverses émotions, passant du sourire niais et amusé, aux larmes dévastatrices. Rarement un jeu ne m’avait procuré de telles sensations, et rarement un jeu tout court peut se targuer de réussir à faire passer autant d’émotions. Peu à peu, pris dans le scénario, lors d’un évènement complètement inattendu et presque traumatisant, je n’ai plus eu l’ambition de terminer le jeu pour le finir et en découvrir l’issue, mais parce que c’était devenu une affaire personnelle. On est pris dans cette histoire, on s’identifie très facilement au personnage, et le jeu en gagne encore plus en émotion.

Cette histoire, c’est celle de Jade. Jeune femme âgée de tout juste vingt ans, elle s’occupe de l’orphelinat du phare, qui accueille les enfants sans parents. Avec son oncle Pey’J, un cochon humanoïde (comme tant d’autres animaux anthropomorphes), elle vit sa vie, essayant de trouver du boulot, des reportages ou autres photos à prendre. Ça c’est l’histoire personnelle de l’héroïne. Mais à côté il y a l’autre histoire, celle de Hyllis, la planète sur laquelle se déroule le jeu. Une planète qui subit régulièrement des invasions Domz, des extraterrestres, et qui est protégée par l’armée et les forces Alpha, en théorie. Régulièrement, des gens disparaissent, kidnappés, d’où la forte hausse du nombre d’orphelins. Les forces Alpha sont suspectées d’êtres complices de ces actes. Un réseau secret tente de percer le mystère, IRIS, et bien évidemment, Jade va y entrer afin de faire éclater la vérité au monde entier. Mais cette vérité, quelle est-elle ?

 Pey'j et Jade

Sous son aspect scénaristique peu original, se dissimule une réelle force, puisque rapidement le joueur se sentira directement impliqué. Et cette implication, ce sentiment de conviction qui nous force à jouer parce que l’on est pris dans une spirale, il se crée. On ne peut pas être ému de ce que l’on ne connaît pas, ou de ce qui nous est étranger ou bien trop éloigné. Et c’est là que le jeu fait fort, puisqu’il réussit une immersion prodigieuse, plongeant le joueur au cœur d’un univers qui lui semble crédible, cohérent, et de plus en plus familier. Et cela dès le début. On ne passe pas trois plombes à nous présenter les personnages, le milieu, l’ambiance. On lance une cinématique qui nous montre rapidement ce qu’il faut savoir, uniquement via des images et des sons, mais sans rien d’explicatif. Et puis, directement on est plongé dans l’action. Voilà, tout est mis en place. Le reste se fera au fil du jeu et des découvertes. Et dès le début un exemple est frappant. Les habitants du phare sont vivants. Ils bougent, vivent leur vie, regardent la télé, jouent dehors, etc… c’est tout bête, mais cela donne une réelle impression de vie et d’émotion. Et puis, on visite le phare, et son dernier étage. La musique change, se fait plus douce, plus belle, plus triste aussi un peu. Et l’on constate alors le lieu de vie. Des chambres avec des jouets qui trainent, une salle de bain, ou bien cette pièce pour développer les photos. D’ailleurs, des photos, domaine de prédilections de Jade, sont affichées sur les murs, représentant les enfants, le chien, ou bien encore Jade. Et puis il y a des dessins sur le mur. Des dessins de gosses, assez grossiers, mais finalement encore plus émouvants. Surtout celui qui représente Pey’J. Oui, c’est sûrement bête de s’émouvoir sur si peu, mais constater cette volonté de réalisme dans des détails qui pourraient paraître insignifiants, c’est bien une preuve de la part de Michel Ancel et son équipe de pousser au plus loin l’immersion.

Ce qui renforce ce côté immersif, ce sont aussi les personnages. Tous aussi vivants les uns par rapport aux autres, ils offrent à voir une réelle communauté qui s’occupe tranquillou de sa petite vie. Et tous ont leurs particularités qui les distinguent les uns des autres. Que ce soit les rhinos Mamago, avec ambiance cool et détendue à la jamaïcaine, que ce soit dans la musique comme dans les couleurs de leur garage (ou même les dreadlocks et bonnet de rasta), ou alors chez le morse Ming-Tzu avec son ambiance Chine orientale mystique, rien n’est laissé au hasard, l’ensemble profitant de personnages hauts en couleur ayant tous une importance, plus ou moins grande. Mais ce sont surtout Jade et Pey’j qui sont les plus attachants. Jade, puisqu’elle est l’héroïne du jeu, et que son implication et son histoire personnelle nous fera s’attacher à elle. Quant à Pey’j, il est le personnage le plus proche de nous, accompagnant Jade dans ses aventures. Il est réellement un des personnages centraux de l’histoire, et ses liens avec Jade ne font que créer des sentiments d’attachements forts de la part des joueurs. Grognon et bougonnant, avec un langage fleuri bien comme il faut, il n’en est finalement que plus apprécié. Malgré son caractère, il cache un terrible secret. Mais surtout, il demeure le seul véritable lien de parenté avec Jade, et tout l’amour quasi paternel qu’il porte envers elle (et réciproquement) se ressent, et crée une véritable émotion tout au long du jeu. Ainsi, plus on avance dans l'aventure, plus certaines scènes s’avèrent totalement déchirantes et bouleversantes. C’est bien là la force de ce jeu, dépasser son rang de simple activité vidéoludique afin de nous faire passer des émotions véritables et non dissimulées. Et lorsque l’on recommence le jeu, on remarque que rien n’a été fait au hasard, les moindres mots ou intonations ont été soigneusement pensés, non pas pour nous révéler une vérité dès le début, mais pour nous donner implicitement des indications. On passe à côté, mais ce n’est que pour mieux être surpris alors.

Une des musiques du jeu, magnifique

Et si cette émotion passe par les dialogues, c’est que les doublages tiennent du chef-d’œuvre. Pensés en français, pour un doublage français, on a le droit dans Beyond Good and Evil à l’une des meilleures interprétations dans la langue de Molière dans le jeu vidéo, si ce n’est la meilleure. Emma de Caunes, qui prêtent sa voix à la sublime Jade, est tout simplement parfaite. Les voix secondaires sont toutes réussies. Mais la palme revient à Martial Le Minoux qui campe un Pey’j plus que réaliste, aux intonations toujours justes, à l’interprétation constamment magistrale, et à l’émotion toujours présente. Rarement certains dialogues, ou même juste quelques mots, ne m’ont paru aussi émouvants et déchirants dans un jeu. A tel point qu’un seul mot a réussi à me faire verser des larmes, du fait de la situation, et de l’intonation. Pey’j est le personnage le plus attendrissant du jeu, et si son doublage est parfait dans les situations rigolotes, il se révèlent totalement monstrueux dans les phases d’émotions, qui lui siéent à merveille. Et l’ambiance sonore, tout à fait parfaite, l’est aussi grâce aux sublimes compositions de Christophe Héral. Mêlant habilement différents genres, du rock, aux sonorités espagnoles, en passant même par des phases presque hip-hop, les musique du jeu se font toutes sublimes et la plupart, douces, mélodiques, ou plus nerveuses ou angoissantes offrent aux oreilles un plaisir rarement égalé qui participe grandement à l’immersion dans le jeu et qui soutient les émotions constamment au gré de l’aventure. Une de mes bandes-son préférées de jeu vidéo, tout simplement.

On pourrait aussi parler de son gameplay qui mélange action, aventure, exploration, ou encore course, mais quoi que l’on puisse dire, et aussi longtemps que l’on pourrait en parler, rien ne vaut de vivre l’expérience par soi-même. Le jeu a été gonflé en HD et il est disponible sur le PSN ou le XBLA pour un faible prix, ou bien sur PC, à faible coût aussi. Il serait dommage de passer à côté de ce jeu, qui en neuf ans n’a toujours pas pris une ride et garde intact les émotions et sensations qu’il procure. Rarement une expérience n’a été aussi intense émotionnellement parlant, sans pour autant livrer une maniabilité fade et inconsistante. Bien que court, entre dix et douze heures de jeu, le titre n’en reste pas moins exceptionnel et prenant de bout en bout, au point d’avoir du mal à lâcher la manette avant d’en avoir vu la fin. Riche en rebondissements, parfois très inattendus, pleinement cinématographique, et tout à fait magnifique, Beyond Good and Evil est tout simplement une perle à posséder absolument. Ceux qui n’y ont jamais joué, en plus de passer à côté d’une expérience unique, loupe un des plus beaux jeux vidéo existant. Vivement la suite, qui arrivera… un jour.

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